Fin du périple à vélo et arrivée à Ushuaia – 15/03 au 21/03
San Sebastian – Rio Grande : dernière ligne droite le vent dans le dos
Nous sommes en Argentine. Les routes argentines sont les dernières de notre périple à vélo.
C’est enthousiastes que nous attaquons cette dernière et longue ligne droite. En effet, nous prenons la route vers le Sud-Est. Nous avons de la chance car le vent vient de tourner et que ça doit durer deux jours. Nous avons donc le moral au top avec un bon vent dans le dos.
Tout autour de nous, il y a de nombreuses oies sauvages. Cependant, le paysage est bien différent du côté argentin. En effet, au Chili tout est très naturel, désertique, sauvage. Ici, on enchaîne les pipelines, les extracteurs de gaz et de pétrole et le plus déchirant, une grosse décharge à ciel ouvert. Ainsi, la municipalité a pris le soin d’installer des poubelles, tu prends le temps de mettre ton papier dedans, des camions passent ramasser les poubelles, les rassemblent dans une décharge… et le vent disperse le tout dans l’océan… c’est vraiment démoralisant et choquant. Au moins les mouettes sont ravies.
Nous ne nous rendons finalement compte de la force du vent que lorsque nous croisons un couple de cyclos fraichement débarqué à Ushuaia et qui galèrent à braver le vent qui leur arrive en pleine face. On essaye de les réconforter, mais on avoue qu’on n’aimerait vraiment pas être à leur place et qu’on est bien contents de ne pas avoir démarré par le Sud ! Ils vont faire en deux jours ce que nous ne mettons que quelques heures à parcourir. En plus, on les charge de nos derniers pesos chiliens qui ne nous seront plus utiles dorénavant.
Sur la route, nous croisons également un autre cycliste, mais celui-là nous le reconnaissons : Diego, le cycliste chiliens déjà rencontrés à plusieurs reprises sur la carretera australe. C’est toujours un plaisir de discuter avec lui. C’est la deuxième année consécutive qu’il fait la carretera mais cette année il a été jusqu’à Ushuaia et le voilà déjà sur la route du retour ! Il nous indique qu’il va remonter par un autre chemin, dans des coins désertiques de l’Argentine. Il prévoit entre 20 et 25 jours en totale autonomie. On est impressionné et on ne sait pas trop comment il va s’en sortir (il n’a même pas de sacoches avant !).
Avant de reprendre la route, il nous indique une plage en retrait où il est possible d’observer des pingouins. Deux gardes côtes les surveillent et les protègent des rares touristes car régulièrement des pingouins s’échouent sur les plages à quelques centaines de mètres de leur colonie.
Les longues lignes droites avec le vent dans le dos nous amènent rapidement à Rio Grande, capitale nationale de la truite mais aussi de la veille pour les Malouines ! (et oui, il y a toujours ce conflit très présent entre les argentins et ces pirates d’anglais)
La ville est assez grande, mais nous réussissons à trouver l’appartement de notre première couchsurfeuse. Nancy nous accueille chaleureusement et même si nous ne restons qu’une nuit, les crêpes, mais surtout la bonne douche chaude nous requinquent rapidement.
Rio Grande – Tolhuin
A peine partis, nous nous faisons arrêter par la police. Nous sommes surpris car en 10 mois de voyage c’est la première fois et ce ne sera pas la dernière ! L’agent nous demande de nous mettre sur le bas-côté à chaque fois qu’une voiture nous double, à cause de l’appel d’air. En effet, ces longues lignes droites sont propices aux excès de vitesse et avec un vent d’une telle violence, cela devient rapidement dangereux pour des cyclistes chargés. Il y a dû avoir pas mal d’accidents car à chaque policier nous aurons le droit à notre piqûre de rappel sur la sécurité. Pour continuer de nous rassurer, de grosses étoiles jaunes ainsi qu’un panneau sont présents sur la route à chaque « victima fatal ».
Nous avons hâte d’arriver à notre hébergement de ce soir. Ce soir nous dormons à la panaderia (= la boulangerie)! La panaderia de La Union est un des lieux incontournables d’un cyclotouriste en Amérique du sud. La première fois que nous avons entendu parler de cette boulangerie c’était au Pérou près du lac Titicaca : le Tandem d’un Rêve nous l’avait bien vendue et on y a pensé pendant des mois. (Ces voyageurs, dorénavant appelés Voyageurs Vagabonds, ont fait une superbe vidéo de leur tour du monde à vélo qu’on vous invite à savourer : la video)
A la panaderia, en plus de manger de délicieuses empanadas ou facturas, les cyclotouristes ont à leur disposition un lit bien au chaud près des cuisines ou des stocks dans une chambre couverte de dessins laissés par les voyageurs précédents. On commence à en reconnaitre certains.
Il est possible grâce au site de la panaderia de visionner en temps réel la ville de Tolhuin (voir Tolhuin).
Tolhuin – Lago Escondido
Il est possible de faire les 104 km qui nous séparent d’Ushuaia en une seule journée. Mais vu que nous avons un peu d’avance et qu’Ushuaia est une ville très touristique (et donc chère), nous allons prolonger le plaisir de la route et faire un jour de vélo supplémentaire.
Nous commençons bien évidemment la journée dans la boulangerie de notre hôte par un très bon et copieux petit déjeuner.
La journée est grise, le ciel est bas. Nous commençons sous la grisaille et un petit crachin. Cela ne nous empêche pas de nous attarder sur le magnifique paysage ainsi que sur un lac qui matérialise la séparation des deux plaques tectoniques de la Terre de Feu.
Il n’y a presque pas de vent. On roule bien et tranquillement. On profite de nos derniers tours de roues près des guanacos. Les paysages sont beaux mais le temps est assez frais. Etrangement, nous longeons une piste de quad tout au long du chemin. Nous y verrons même quelques quads y prendre beaucoup de plaisir et quelques sensations fortes.
Après quelques kilomètres, un chauffeur de poids lourd s’arrête sur le côté de la route pour discuter avec nous. Il nous raconte qu’un jour lui et sa femme ont accueilli une cycliste allemande. Il est nostalgique de cette rencontre et toujours prêt à aider un voyageur. Il nous offrira une bouteille de soda, la seule chose qu’il avait sous la main. Son travail le mène d’un chantier à l’autre, c’est ainsi que nous le recroiserons une fois au cours de notre journée. D’ailleurs, un peu plus tard alors que nous mourrions de froid sur le bord de la route, savoir qu’il repasserait et ne nous laisserait pas planter là nous réconfortait un peu.
En milieu de journée, le temps se gâte. Le minuscule hameau que nous avions repéré est tout juste atteint quand une averse s’abat sur nous. La police nous indique une maison abandonnée pour se mettre à l’abri. La bâtisse a les fenêtres brisées et pas de porte : le vent glacial s’engouffre de toute part. A l’intérieur, il y a déjà une tente, un peu laissée à l’abandon. La police nous rassure et nous dit qu’il s’agit d’un autre cyclotouriste installé là depuis quelques jours parti à la pêche. Effectivement, un peu plus tard, notre colocataire du moment revient, mais il est bredouille.
Nous avons longtemps hésité à rester à l’intérieur de la maison car la tente avait mine de rien de nombreuses prises au vent. Nous avons un instant pensé à se mettre près des arbres (et oui, nous avons retrouvé un peu de végétation depuis que la route a recommencé à se vallonner), mais finalement à l’intérieur nous sommes au moins à l’abri de la pluie.
Lago Escondido – Ushuaia : un dernier défi à relever
La journée débute par un grand soleil à 7h du matin qui se transformera vite en une averse de neige. Le vent est puissant et gelé mais on a la niaque pour ce dernier jour de vélo du voyage. Aujourd’hui nous avons un défi à relever : l’ascension de l’ultime col, le col de Garibaldi.
Nous avons une pêche d’enfer et la neige portée par un vent de face qui nous fouette le visage nous oblige à donner encore un peu plus de nous pour cette dernière grosse montée.
Mais voilà, le plus dur n’était pas la montée pendant laquelle l’effort nous réchauffait, mais bien la descente qui nous glace jusqu’à l’os. Nous sommes pourtant bien couverts : double paires de chaussettes et de gants, toutes les épaisseurs de vêtements que nous possédons (sous-vêtements en mérino, tee shirt, doudoune, manteau…) mais rien n’y fait : nous sommes transits de froid.
Bien que nous avançons vite, le froid nous gagne et la priorité devient de se réchauffer. Au détour d’un virage, on voit une petite cabane de chantier au bord de la route. Il faut absolument se mettre à l’abri. Mais il n’y a personne et elle est fermée. Devant notre désarroi, un homme se gare près de nous et nous propose de passer la nuit dans des cabanas qu’il possède un peu en contre bas de la route. C’est tentant, mais dans nos têtes c’est aujourd’hui l’arrivée et on veut être à Ushuaia ce soir.
Le décor est splendide, nous sommes entourés de montagnes enneigées. Nous passons dans des forêts d’où retentissent des hurlements à la mort des meutes de chiens de traineau. Nous sommes presque seuls au monde, mais le passage sous un télésiège nous rappelle que nous approchons de la civilisation. Nous commençons à apercevoir des hôtels, campings, restaurants. D’ailleurs dès que possible nous nous abritons dans l’un d’eux pour essayer de ressusciter nos orteils. Il faut l’avouer, la peur de perdre nos orteils et de ne plus jamais pouvoir porter de tongs nous a effleurée l’esprit. Nous profitons de la chaleur du refuge et prenons des empanadas pour prolonger le plaisir. Une fois repus et réchauffés nous reprenons la route.
Presque arrivés à Ushuaia, nous remontons une longue file de véhicules bloqués dans un bouchon. Lorsque nous franchissons l’entrée de la ville, nous ne nous attendions pas du tout à terminer notre voyage avec un tel comité d’accueil. Toutes les routes sont bloquées par des grévistes. En effet, depuis l’élection du nouveau président, les privilèges des fonctionnaires de Terre de Feu sont remis en cause et ils tentent de les défendre.
La descente vers le centre d’Ushuaia n’est pas une partie de plaisir, loin de là. La constante proximité des voitures nous frôlant à grande vitesse ainsi que les nids de poule sur la route rendent les derniers tours de pédales pénibles. Mais nous arrivons au fameux panneau en face du canal de Beagle et prenons la photo souvenir de l’ultime étape à vélo de notre voyage.
Séjour à Ushuaia et préparatifs de la fin du périple à vélo
Niveau timing, nous sommes parfaits : exactement ce que nous avions espéré. Nous ne regrettons pas les efforts des dernières semaines.
Nous profitons de ces derniers jours en Terre de Feu pour visiter la ville, enregistrer la géocache du bout du monde et admirer les bateaux de croisières qui partent pour l’Antarctique qui est à seulement 1000km de là. Mais notre porte-monnaie n’avait pas prévu de s’alléger au point de nous permettre de nous faire voyager plus au sud. D’ailleurs, pour ceux que ça laisserait sur leur faim, voici la vidéo des Adventures Junkies en Antarctique.
Finalement, le mauvais temps qui s’installe nous permet de nous concentrer sur la fin du voyage à vélo et les préparatifs du vol. Nous allons prendre l’avion pour Buenos Aires (ou plus précisément La Plata) où une adorable famille a accepté de nous héberger et de garder nos vélos.
Pendant une journée entière nous récupèrerons des morceaux de cartons pour les assembler entre eux et protéger nos vélos. Ce qui est bien c’est qu’il n’y a pas de limite du nombre de bagages ni de supplément pour les vélos car nous sommes sur un vol intérieur argentin. Nous payons seulement le nombre de kilos qui dépassent notre autorisation (ça reste très raisonnable). Ensuite tout s’enchaine très vite depuis notre hôtel miteux (avec des puces de lit, mais en même temps pour les petits budgets il n’y a pas grand-chose à Ushuaia). Puis nous voilà déjà dans une camionnette en direction de l’aéroport.
Dans l’avion, nous sommes les yeux collés aux hublots pour admirer une dernière fois ce paysage du bout du monde. Comme un dernier cadeau, le pilote vole très bas au-dessus du canal, le temps d’obtenir l’autorisation de prendre de l’altitude, on survole des montagnes, un dernier coup d’œil au Chili, puis nous voilà partis au-dessus des nuages.
C’est la fin d’une énorme aventure à vélo.