Deux Breizhiliens sur un océan de sel – 27/10 au 03/11
De La Paz à Uyuni, les vélos dans nos bagages
Nos petits soucis de santé nous ont obligés à rester plus longtemps que prévu à La Paz. Initialement, nous pensions pédaler jusqu’à Uyuni, finalement, nous sommes motorisés et en profitons pour essayer de nouveaux moyens de transport. Nous prenons un bus de La Paz à Oruro (c’est un soulagement de ne pas avoir à sortir de La Paz en vélo) puis nous prenons le train d’Oruro à Uyuni. Le train n’est pas plus cher que le bus et c’est beaucoup plus pratique d’y mettre les vélos. D’ailleurs nous ne sommes pas les seuls cyclos à avoir eu cette idée. Nous y rencontrons deux cyclos allemands et retrouvons Yoshiaki ‘Crazy Grandpa’ un cyclo japonais rencontré à La Paz. A la gare, nous recroisons également Mishiko, la cyclo vénézuélienne qui nous aura tant aidé à la casa de ciclistas.
Le trajet se passe sans encombre. A l’arrivée à Uyuni, nous ne perdons pas de temps et nous dirigeons avec Yoshiaki dans un hôtel qui nous a été recommandés par nos prédécesseurs à vélo. Uyuni n’a pas vraiment de charme.
Mais qu’allons-nous faire dans cette partie désertique de la Bolivie que nous redoutons depuis les préparatifs du voyage en France ? Tout simplement voir des merveilles du monde et relever LE défi de tout cyclo en Amérique du sud : faire la route des lagunes à vélo. C’est un challenge physique, mais surtout psychologique contre le désert. Nous serons seuls pendant une dizaine de jours face aux éléments qui nous ne serons pas tendres avec nous. Mais avant d’attaquer le Sud Lipez et sa route des lagunes, nous traverserons le salar d’Uyuni, le plus vaste désert de sel du monde.
Les préparatifs
La ville d’Uyuni est située aux portes du salar, son unique attrait est le nombre impressionnant d’agences de voyage proposant la traversée du désert de sel en 4×4. Nous en profitons pour regarder si l’une d’elle pourrait nous faire parvenir à mi-parcours du Sud Lipez une boite de nourriture. Nous trouvons une agence qui accepte de faire parvenir notre colis à destination gratuitement. On est ravis : on vient d’économiser 5 jours de nourriture à porter dans nos sacoches.
Nous préparons aussi l’itinéraire à venir, faisons le plein de provisions pour les 4 prochains jours et nous voilà parés pour le salar. Après quelques jours avec notre Crazy Grandpa japonais, il nous faut prendre la route.
A l’assaut du Salar
Contrairement à ce qu’on imaginait, le chemin d’Uyuni à Colchani (dernier village avant le salar) est une nouvelle route asphaltée. Il y a quelques travaux sur le chemin, mais rien à voir avec ce qu’on a rencontré à El Alto avant d’arriver à La Paz, ici c’est beaucoup plus agréable. Le beau temps est au rendez-vous et on aperçoit quelques vigognes. Les kilomètres sont vite avalés malgré le vent de face ou de côté.
Après le village de Colchani, nous circulons sur des pistes alternant sable, tôle ondulée et asphalte défoncée. En chemin, nous rencontrons Thomas, un polonais qui voyage de l’Alaska à Ushuaïa… en moto électrique !
Nous arrivons en début d’après-midi à l’hôtel de sel, à l’entrée du salar. Nous pourrons y camper tranquillement derrière, abrités du vent.
Sur le sel, face au vent
Le matin nous partons de bonne heure. Nous reprenons la piste empruntée la veille pour rejoindre la route principale. Après quelques kilomètres nous atteignons l’entrée du salar et nous retrouvons face à des centaines de traces de 4×4 partant dans tous les sens. Autant ce matin, du haut de notre colline, nous apercevions notre prochaine destination (un musée dans le salar), autant ici, nous ne voyons rien qu’un océan de sel à perte de vue.
Nous voyons deux bâtiments au loin. Nous décidons de suivre les traces qui se rendent au bâtiment légèrement vers la droite. Après plusieurs kilomètres, notre bâtiment s’avère être un pneu accompagné d’un bâton… Les perspectives sont vraiment trompeuses ici ! Nous repartons donc vers l’autre bâtiment que nous apercevions. Nous atteignons rapidement l’ancien hôtel de sel accompagné de nombreux drapeaux. On se rend compte que c’est ici qu’on avait initialement prévu de dormir. Nous pensions naïvement qu’il n’y avait qu’un seul hôtel de sel et qu’il n’était pas possible de se tromper, mais la majorité des hôtels des environs sont en sel. On a donc une douzaine de kilomètres supplémentaires à parcourir aujourd’hui.
On reste pas mal de temps sur place, on prend des photos, mais surtout on rencontre d’autres voyageurs et notamment des cyclotouristes. Tout d’abord nous retrouvons Gina et Dan (Canada) déjà croisés à Cusco et Beni (Brésil) qui remonte vers le Pérou.
Rouler sur le salar s’avère facile : le sel c’est comme l’asphalte avec quelques bosses et quelques trous d’eau à éviter. S’orienter est également facile car même si on ne voit pas l’île centrale à plus de 30km, il suffit de suivre les traces des jeeps qui sont omniprésentes.
A midi, nous tentons d’enfoncer une sardine dans le sel à l’aide d’une pierre que nous avons apportée spécialement pour pouvoir camper au beau milieu du salar. Ce n’est pas facile mais ça marche ! La nuit s’annonce unique ! En attendant, un nouveau compagnon s’est joint à nous : le vent de face. Avant nous faisons du 12 km/h (voire du 20km/h quand le vent se calmait), maintenant nous faisons du 7, voire du 5km/h. Nous sommes parfois obligés de descendre des vélos. Le vent a légèrement tourné et il faut maintenir fermement la direction pour ne pas faire un demi-tour.
Nous arrivons épuisés à l’île aux cactus (île Incahuasi), peu avant la nuit. Alors qu’on avait prévu d’y passer seulement pour s’approvisionner en eau puis repartir vers le salar pour se trouver un endroit abandonné de tous au milieu de cette immensité, maintenant, sous ce vent glacial et violent nous ne rêvons que d’un toit. Après négociations, les gérants de l’île nous mettent à disposition un local pour dormir au chaud et avoir un accès à l’eau. Nous y passerons une nuit très reposante avec une magnifique vue sur le salar.
Adios Salar, Bonjour piedras
Nous nous réveillons à l’aube et voyons débarquer sur l’île de nombreux 4×4 venus admirer le lever de soleil sur le salar depuis l’île. Les cinquante premiers kilomètres de salar sont vite parcourus. C’est un plaisir d’y rouler, surtout que le vent ne s’est pas encore levé.
La sortie du salar est un peu plus chaotique, mais nous trouvons rapidement un couple de cyclos polonais qui nous fait signe de nous abriter dans un coin pour déjeuner. La route étant vraiment en mauvais état, nous décidons de suivre les polonais sur une piste dans le désert/salar. Mais voilà, au bout de quelques kilomètres, la piste file vers l’Est et non le Sud… Nous sommes obligés de rebrousser chemin et de pousser les vélos dans le sable pour rejoindre la route.
Il nous faut 4h pour faire les 20km qui nous séparent de Colcha K, en slalomant sur la route, évitant les pierres, le sable et luttant contre le vent.
A notre arrivée le village est désert. On nous indique un hébergement dans le haut du village, mais les propriétaires sont au cimetière (avec presque tout le village) pour célébrer la fête des morts. Nous attendrons plusieurs heures. Une dame, Julieta, vient nous faire la conversation. Elle nous explique beaucoup de choses et notamment les rituels de la fête des morts qui sont très importants en Amérique du Sud. Elle nous parle des couronnes de papier de toutes les couleurs à placer sur les tombes ainsi que les gâteaux façonnés avec des visages que l’on a vu sur le marché d’Uyuni et qui sont à partager avec les proches. Devant notre attente qui semble interminable et qui se rafraichie de plus en plus avec la nuit tombante, elle décide d’appeler les propriétaires du logement et aussi de nous ramener d’énormes paquets de pop-corn pour nous remonter le moral. A l’arrivée des propriétaires, nous ne cachons pas notre joie et partons nous installer pour une bonne nuit de sommeil.
Du vent, de la poussière et du vent
Ce matin, nous préparons nos vélos au milieu des cordes à linge sur lesquelles pend de la viande de lamas en cours de séchage. La piste est en meilleur état que celle de la veille. Les paysages sont magnifiques et nous admirons pas mal de lamas et vigognes en chemin. Après quinze bornes, on pousse les vélos pendant 5km dans le sable. C’est très dur et on s’épuise rapidement. On remarque des jeeps qui passent un peu plus loin. Nous décidons de traverser les champs pour rejoindre cette route qui semble plus praticable. On a bien fait ! Après ce petit « raccourci » dans le sable, on peut enfin remonter sur les vélos et continuer à pédaler.
Le vent se lève et on voit des tornades de sable se former dans les champs et traverser la route devant nous. Il y a beaucoup de rafales, bien pire que les jours de tempête en Bretagne ! A l’arrivée à San Juan, le village est balayé par des rafales de poussière. On se croirait presque dans le film Interstellar. On retrouve les polonais et on leur propose de venir nous rejoindre à l’hôtel de sel où nous avons élu domicile le temps de nous préparer pour le Sud Lipez.
On se renseigne pour savoir s’il y a toujours autant de vent dans les environs. On nous répond qu’il y a beaucoup de vent car c’est le jour des morts. OK… on verra bien pour les prochains jours alors.